Si, comme moi, pendant la pandémie vous avez eu envie de lire une histoire du genre postapocaliptique pour vivre une sorte de catarsis, alors le roman d’Antoinette Rychner c’est ce qu’il vous faut. Si ce n’est plutôt le cas de le lire pendant que vous vous la coulez douce sur un transat à la piscine en sirotant un cocktail avec votre télephone à la main branché sur internet. Et oui, parce que tout cela pourrait très facilement disparaître et devenir le souvenir du monde d’avant. Avant une catastrophe naturelle par exemple, comme dans ce roman dont l’auteure raconte après le monde: les consequences d’un cyclone d’ampleur inédite qui ravage la côte ouest des États-Unis en novembre 2022. Elle nous décrit d’une façon assai detaillée et extraordinariement crédible la progressive dégradation de la situation économique, politique et sociale qui dans quelques années trasformera la planète entière.
A partir d’une crise qui touche d’abord les compagnies d’assurance des EEUU on voit vite tout le système financier américain s’écrouler pour entraîner ensuite le système mondial. Sans argent disponible, ni échanges commerciales possibles à cause aussi du manque de source d’énergie et de communications, la situation se degrade par étapes jusqu’à l’effondrement du système global connu. D’abord les changements (catastrophes climatiques et crise consequente) semblent localisés et ne touchent pas toutes les classes sociales ni la planète entière, ce qui rend difficile pour tous de croire à l’ineluctable qui est un train d’arriver.
Loin d’etre le typique livre apocaliptique du style américain, la plume d’Antoinette Rychner nous envoûte dans un monde à la fois cru et lyrique, écrit au feminin. Le monde d’avant, du présent et d’après dont l’espoir d’un futur de solidarité et de reconquête de l’humanité est raconté par les protagonistes, des femmes qui marchent ensemble. Leur migration à la recherche d’une des communautées spontanées libres formées dans un continent devasté montre un scénario de vie où le choix entre la barbarie ou la solidarité devient cruciale pour la survie des gens et des groupes sociaux.
C’est aussi l’ « épopée » d’un monde qui a chuté et qui essaie de se redresser. Un monde fait des destins de chacun et de ses liens avec les autres et l’histoire de l’humanité. Ces femmes ressentent le besoin de raconter, garder la mémoire du veçu et de la transmettre. Elles se découvrent capables de s’exprimer dans les communautées qui les accueillent dans leurs peregrinations le soir à la veillée. En chantant ainsi pour relier les gens dans un monde privé des moyens de communications et pour cultiver la mémoire, elles deviennent des bardesses.
Dérangeant et provocateur, ce roman soulève des questions cruciales sur les espoirs et les choix de l’humanité aujourd’jui en matière d’environnement et des enjeux politiques et sociaux portés par la globalisation. On se pose avec l’auteure la question de la possibilité d’inventer des nouvelles façons de vivre ensemble sur notre planète, avant qu’il soit trop tard….
En suggerant la lecture d’Après le monde je pense bien sur aux lectrices de donneconlozaino mais surtout à toutes les femmes (et enfants et hommes) qui vivent déjà la catastrophe d’un monde où millions de gens doivent marcher, émigrer et faire face à la brutalité et à la violence.
P.
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