Vous connaissez cette période juste avant le départ ? On est encore en baskets, avant de passer un été en tongs. On est encore en pantalon, avant de finir en short tout le temps. On est encore à Paris, à vérifier l’heure de son billet de train.
Vous la connaissez?
C’est celle que je vis en ce moment.
En cette période où je fais les lessives pour partir en vacances et boucler mes valises, je me repose sur mon balcon parisien et regarde le soleil décliner dans les vitres d’un grand bâtiment industriel blanc et rouge de Saint-Ouen. Il fait doux et les voisins ont un volume sonore tout à fait acceptable.
Tandis que le linge sèche et que la lumière baisse, la paix extérieure m’inspire quelques lignes.
Entrer en vacances
L’expression entrer en vacances n’existe pas. On dit : entrer au séminaire ou au couvent, entrer dans l’eau, entrer dans sa quinzième année, entrer en matière. Mais entrer en vacances, ça ne se dit pas. Et pourtant, c’est bien un état, dans lequel on glisse plus ou moins vite, dans lequel on s’insère, avec un léger effort, pour une durée limitée, et sur lequel on projette toutes les envies qu’on a mûries toute l’année – en baillant sur les sièges trop plats du métro, au cours de déjeuners dominicaux trop ennuyeux, lors des soporifiques réunions de planification dans la grisaille des lundis matins d’hiver, et au bureau, sur la chaise à roulettes, lorsqu’on attend ces coups de fil importants qui ne viennent pas. –
Entrer en vacances donc. L’idée de s’insérer dans un état qui ne va pas naturellement de soi est assez logique, finalement. Car en vérité, c’est pas simple, les vacances ! On voudrait être beau et bronzé et épilé et être allé chez le coiffeur avant le grand départ. On voudrait avoir fait sa valise et y avoir mis des habits à la mode et dans lesquels on se sente bien. On voudrait avoir rangé sa maison et révisé sa voiture avant de partir avec. C’est pas simple, les vacances. Il faudrait qu’on aille bien, qu’on mange pas trop mais qu’on profite quand même du rosé et des chips qui vont avec la pétanque. Il faut se mettre en maillot de bain et faire semblant qu’on est pas dérangé par le petit bourrelet qui dépasse.
Avec toutes ces attentes, après une semaine, on va, peut-être, enfin se détendre, profiter du coup de soleil qui va nous faire le teint hâlé après coup, du grain de sable coincé entre les orteils parce que c’est le signe qu’on est allé à la plage, et de la piqure de moustique qui nous rappelle que oui ! l’été est bien là.
L’été qui est bien là, on l’entend aussi dans le bruit de la tong qui claque sur le bitume quand vous portez votre panier en osier pour aller au marché et que le commerçant vous offre une pêche. Vous mordez dedans. Là. En général. Le jus du fruit qui coule sur votre menton a un goût de vacances.
C’est bon ! Vous êtes rentré dans l’ambiance.
Vous pouvez maintenant profiter de (ce qu’il reste de) vos vacances !
Sophie Ughetto